Le Référendum idéologique
Constat de l’échec du fonctionnement électoral actuel
Deux éléments m’ont interpellé ces derniers temps : l’évolution croissante du taux d’abstention et la part trop importante donnée à l’incarnation d’une candidature. Sur le premier point, on constate avec le graphique ci-dessous que les élections passionnent de moins en moins les électeurs français (l’abstention est repartie à la hausse pour l’élection présidentielle de 2022). On peut donc en déduire de manière très simple que les gens se désintéressent de la vie politique par représentation. Certains évoqueront les limites et biais des systèmes actuels de scrutin. Moi, j’évoquerais plutôt une réaction négative à l’incarnation des candidatures au détriment des programmes et surtout des valeurs.
Lors d’une émission politique sur l’élection présidentielle de 2022, j’ai entendu dire un chroniqueur que pour lui, il y avait suffisamment de candidats (12) à l’élection pour que chaque électeur puisse s’identifier à au moins un. Sous-entendu, tous les électeurs peuvent trouver un candidat qui partage et qui promeut leurs propres valeurs. C’est là que je ne suis pas du tout d’accord et c’est surtout là où je me dis que les médias, les spécialistes politiques et les politiques eux-mêmes sont déconnectés de la réalité. Les gens ont des attentes et des valeurs personnelles. Si on devait proposer un candidat qui matcherait exactement aux attentes de chacun, il ne faudrait pas seulement 12 candidats, mais potentiellement des centaines, voire des milliers. C'est dans ces conditions seulement que les électeurs pourraient être motivés à aller voter pour le candidat qui correspond exactement à leurs valeurs. En attendant, avec le choix limité des candidats, les électeurs doivent faire des compromis, faire des choix par défaut et finalement, avec une frustration. Il y a un échec de la représentativité des valeurs attendues.
Les influenceurs politiques n’existent plus
Il y a un désintérêt de la vie politique par les nouvelles générations car on veut incarner les figures politiques au même titre que les stars people d’aujourd’hui comme les influenceurs. Le rapport aux célébrités a changé avec les réseaux sociaux et le recul grandissant des médias traditionnels. Un influenceur pouvait être un home politique autrefois. Il avait du pouvoir, il maîtrisait son image et sa popularité sur les médias classiques (TV, radio, presse). Aujourd’hui, un influenceur se fait sa propre image et peut toucher les gens dans leur intimité, tout le temps. Les modèles d’influence ont changé. Les gens suivent des personnalités qui les font rêver, qui leur donnent des conseils comme à un ami proche. Les influenceurs d’aujourd’hui incarnent réellement un idéal pour les gens.
Les femmes et hommes politiques tentent d’adopter les mêmes codes sociaux. Ils utilisent les réseaux pour diffuser et relayer leur image. Mais, les gens n’ont pas le même rapport. Là où ils cherchent de la proximité et le rêve, ils n’ont que des manœuvres électoralistes par les politiques. Il y a donc une distance qui se crée et donc un décalage entre les jeunes générations et les politiques.
Certains politiques tentent de se mettre en scène de manière humoristique, voire ridicule. Cela fait parfois le buzz mais cela ne crée pas le lien émotionnel que peuvent avoir les "vrais" youtubeurs avec leurs communautés. On a des fois droit à un mélange entre ces deux mondes. Souvenons-nous de la rencontre Carlito-McFly avec Emmanuel Macron ou encore les interviews de Magali Berdah avec les candidats...
Bien entendu, je fais une analyse macro donc il existera toujours des personnes inspirées par les hommes politiques. Les volumes de followers sur Twitters sont très importants pour les hommes politiques mais ils ne sont rien par rapport aux volumes des plus gros influenceurs français. Si on compare les chiffres rapidement, on se rend compte que derrière le président Macron avec 8 M de followers sur Twitter, les autres politiques oscillent entre 3 M et 1 M de personnes qui les suivent. A côté, on a un top 10 des influenceurs français qui dépassent les 3 M de followars uniquement sur Instagram. Cela illustre l'écart important entre les hommes politiques et les youtubers.
Mettre les valeurs au centre du processus d’élection
Mon analyse s’appuie donc sur plusieurs constats :- la hausse des taux d’abstention,
- le désintérêt affectif aux incarnations politiques,
- la quête perpétuelle de sens que les jeunes générations privilégient dans leur vie de tous les jours,
- mon expérimentation à grande échelle de l’application candidator.fr qui se base sur les valeurs et non la personnalité des candidats
Je constate donc que la société évolue dans un sens et que les fondamentaux politiques ne suivent pas la même orientation. Cela crée donc un fossé idéologique qui va s'amplifier si on ne change pas les modes de scrutin.
C’est la raison pour laquelle le référendum idéologique est la meilleure solution. Il répond à une attente de la population qui demande une implication dans les choix politiques de la France (je pense au fameux RIC des gilets jaunes). Et surtout, il permet de redonner du sens et des valeurs grâce à l’action de voter. On ne vote plus pour ou contre une personne. On vote pour des valeurs qui nous ressemblent et qui doivent servir de fondamentaux dans le programme du candidat élu.
Je prends l’application candidator comme modèle pour illustrer la mise en perspective des valeurs dans un cadre électoral. Il faut tout d’abord choisir des valeurs propres à la fonction (Président, Maire, député…) selon des axes principaux. Chaque axe oppose deux valeurs contraires. Dans le cas de l’élection présidentielle 2022 en France, j’avais pris les 4 axes principaux suivants : économique, diplomatique, sociétal, civique. Puis, pour chaque axe, j’ai pris deux valeurs opposées. Exemple pour l’axe diplomatique qui oppose d’un côté la valeur mondialiste et de l’autre la valeur nationaliste. Il est important de choisir les axes et les valeurs en fonction de l’élection. En effet, on n’attend pas les mêmes valeurs pour un président de la République et pour un maire d’une petite commune.
Ensuite, il faut définir a minima deux affirmations/questions par valeur pour lesquelles les électeurs répondent avec gradation : généralement 5 choix entre “Entièrement d’accord” et “Absolument pas d’accord”. Cette notion de gradation est l’une des clés de ce mode de scrutin. On n’est pas dans le cadre d’un référendum classique avec une question et un choix binaire (Oui/Non). On est dans une démarche plus profonde et plus engageante pour définir un profil type. Chaque choix est assimilé à une note entre 0 (pas du tout d’accord) et 4 (entièrement d’accord). À partir d’une liste d’affirmations, on obtient alors une représentation spaciale des scores par valeur.
Quand on a collecté l’ensemble des scrutins (électeurs et candidats), on va alors comparer de manière très simple la distance entre les valeurs des candidats et celle du candidat type attendu par l’ensemble des électeurs.
Le radar ci-dessus illustre un exemple de comparaison entre les choix d’un électeur et ceux du candidat type. Chaque axe présente une valeur et son opposé. On peut ainsi visualiser le taux de proximité entre les valeurs d’une personne et celles du candidat type.
C’est ce principe qui est utilisé pour comparer les valeurs de chaque candidat avec celles du candidat type (celui des électeurs). En appliquant un calcul est la distance Euclidienne, on obtient une distance entre un candidat et le candidat type. Il suffit alors de trier les distances de chaque candidat pour ne retenir que la plus petite/proche pour désigner le vainqueur.
Un système de calcul très simple, rapide, transparent et surtout désincarné.
Principe du référendum idéologique
Le choix des valeurs
La campagne
Le vote
Le dépouillement
Les valeurs comme programme
Déclinaison du référendum idéologique à toutes les élections
Ce système de scrutin novateur peut s'adapter à tous les types d’élection (municipales, départementales, régionales, européennes, présidentielle…) et de façon reproductible. Les seules contraintes sont de renouveler les axes, valeurs et donc les affirmations.
Le principe se base sur une contextualisation des valeurs selon le type d’élection et la période. Il est évident qu’entre deux élections présidentielles, même si les valeurs restent identiques, les affirmations doivent évoluer. Les problématiques des Français évoluent en fonction du temps, de l'actualité donc le travail de la commission dédiée doit s’inscrire dans cette mouvance.
Surtout, les valeurs doivent être différentes selon le type d’élection. Par exemple, pour une présidentielle, on cherche des valeurs entre le nationalisme et l’internationalisme alors que pour un maire, on tend vers des valeurs complètement différentes (par exemple, l’appartenance au territoire, la proximité et l’écoute). Mais, chaque valeur a son pendant et surtout, la réponse est graduelle. Donc, ce mode de scrutin n’est pas binaire et doit permettre à chacun d’exprimer ses différences.
Les risques et prérequis de ce type de scrutin